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L’état d’urgence sociale et culturelle comme revendication unitaire

La journée de grève interprofessionnelle du 4 février a mobilisé salarié·e·s, étudiant·e·s et retraité·e·s, ainsi que de nombreu·x·ses act·eurs·rices du monde de l’art et de la culture.

À Nantes, plus de 3000 personnes ont participé à la journée de mobilisation nationale impulsée par de nombreux syndicats des salarié·e·s du privé et du public, ainsi que du secteur de l’art et de la culture. Une manifestation unitaire, réclamant notamment un réinvestissement massif dans les services publics, ainsi que la réouverture des lieux culturels et artistiques.

Au-delà de la crise sanitaire, c’est bien la crise sociale qui a rassemblé les manifestant·e·s, conscient·e·s de l’importance d’une mobilisation massive et pérenne pour que leurs revendications soient enfin prises en compte par le gouvernement. Après les prises de parole des représentant·e·s des salarié·e·s des différents secteurs présents, ainsi que des étudiant·e·s et des retraité·e·s, une première performance artistique a lancé le début de la manifestation. Au son d’une sirène diffusée depuis un camion-sono, plusieurs artistes se sont allongé·e·s par terre tandis que d’autres dessinaient les contours de leurs silhouettes au sol, symbolisant la mort de leurs professions du fait des décisions gouvernementales successives depuis le début de la pandémie.

Le cortège s’est ensuite dirigé vers la préfecture, mené par des artistes marionnettistes et le camion-sono dont la sirène a retenti à plusieurs reprises, afin de mettre en scène la mort du secteur artistique et culturel tout au long de la manifestation. Après avoir longé le cours Saint-Pierre et le château des ducs, les manifestant·e·s ont pris la direction de la rue Jean-Jacques Rousseau, pour finir place Graslin. De nouvelles prises de parole suivies d’une ultime performance artistique ont clôturé cette matinée de mobilisation, appelant à ne rien lâcher et à poursuivre la lutte, tous secteurs confondus. Un appel du mouvement artistique Rage de l’art a également été relayé par une de ses co-fondatrices, sollicitant les manifestant·e·s à se joindre à la performance et à la déambulation prévues samedi 13 février à 14h00, au miroir d’eau.

Au vu de l’inaction et du désintérêt global du gouvernement pour le monde de la culture, particulièrement durant cette crise sanitaire, on est en droit de se demander si cette période ne représente pas un effet d’aubaine et une occasion de malmener de manière extraordinaire le secteur culturel. Une mise à mal qui pourrait permettre notamment de remettre en cause pour la énième fois le statut d’intermittent·e, en profitant du contexte particulièrement difficile et potentiellement destructeur des résistances collectives du monde artistique. Rappelons que ce statut a été régulièrement attaqué depuis plus de vingt ans par les gouvernements successifs et n’a été sauvé que grâce à aux mobilisations massives et solidaires du secteur. En France, à l’heure actuelle, le statut d’intermittent·e est ce qui se rapproche le plus d’un salaire à vie, assurant à ses bénéficiaires une continuité de revenus lorsque l’activité est plus faible, leur permettant de continuer de créer. La mort d’un tel statut aurait donc pour conséquence la paupérisation et la précarisation des intermittent·e·s et serait également synonyme d’une perte importante de diversité et de richesse artistique et culturelle. Cela pourrait également signifier moins d’investissements publics et plus de mécénat, et donc un système où la classe dominante pourrait avoir encore plus de pouvoir dans la désignation de ce qui fait partie de la culture légitime ou non. Espérons donc que la mobilisation interprofessionnelle et intergénérationnelle se poursuive, afin que soit réaffirmé l’impératif d’une société solidaire et équitable, telle que l’ont pensée les membres du Conseil National de la Résistance.

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