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Mobilisation importante pour défendre la liberté d’informer et de manifester

Plus d’un millier de personnes se sont rassemblées et ont défilé dans les rues nantaises mardi 17 novembre, pour réclamer l’abandon de la proposition de loi « relative à la sécurité globale ».

La Ligue des Droits de l’Homme, Amnesty International, le Syndicat des Avocats de France, le Syndicat National des Journalistes, ainsi que de nombreux autres organismes avaient appelé à un rassemblement national coïncidant avec l’ouverture des échanges parlementaires autour de la proposition de loi portée par les député·e·s LREM.

Militant·e·s, journalistes et citoyen·ne·s se sont donc retrouvé·e·s devant la préfecture de Nantes ce mardi en fin d’après-midi, afin de dénoncer non seulement le fond mais aussi la forme de ce texte. En effet, cette proposition de loi impulsée par le député de Seine-et-Marne Jean-Michel Fauvergue, chef du RAID de 2013 à 2017 et ancien commissaire de police et par l’ancien ministre de l’intérieur Christophe Castaner, fait l’objet d’une procédure accélérée, réduisant considérablement le temps imparti aux parlementaires pour l’étude approfondie et les débats autour de ce texte. Les militant·e·s nantais de la Ligue des Droits de l’Homme ainsi que du Syndicat des Avocats de France ont d’abord lu l’appel à rassemblement et la motion déposée au préfet de Loire-Atlantique et adressée à Jean Castex, textes cosignés par un grand nombre d’organisations. Une minute de silence a suivi ces prises de parole, les yeux recouverts de tissus des manifestant·e·s symbolisant le refus de l’aveuglement généralisé. Un groupe a ensuite entonné un chant détournant le tube de Queen, renommé pour l’occasion « We will Rec you », affirmant la volonté de continuer de filmer et de diffuser les images des forces de l’ordre. Les personnes rassemblées devant la préfecture se sont dirigées vers l’hyper-centre peu après, dans une ambiance festive de retrouvailles malgré le contexte sanitaire et sécuritaire. Comme lors de la manifestation du 29 octobre dernier contre le second confinement, le cortège s’est joyeusement aventuré dans les rues bourgeoises du centre-ville nantais. Dès l’arrivée des agent·e·s de la Brigade Anti-Criminalité aux alentours des manifestant·e·s, la pression s’est faite grandissante, jusqu’à une double charge sous les nuages de gaz lacrymogènes à l’entrée de la rue de la Barillerie, provoquant la dispersion du cortège. Plusieurs personnes ont été plaquées au sol, fouillées et verbalisées par les forces de l’ordre, mais aucun placement en garde à vue n’a été prononcé.

Outre l’article 24, qui prévoit la pénalisation de la diffusion d’images des fonctionnaires de police et de gendarmerie agissant dans le cadre de leurs missions d’ordre public (pénalisation pouvant aller jusqu’à 1 an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende), l’article 21 du texte est également vivement critiqué, car il autoriserait l’utilisation de « caméras mobiles » permettant la reconnaissance faciale immédiate des manifestant·e·s. L’État pourra également avoir recours à des drones porteurs de caméras, instaurant ainsi une surveillance généralisée sur l’espace public et portant une atteinte directe à la liberté de manifester.

Ce texte prévoit également d’étendre les compétences des polices municipales, sous seul contrôle du/de la maire, notamment en les autorisant à procéder à des contrôles d’identité et des saisies, compétences pour le moment détenues par la police nationale sur des missions de police judiciaire. De plus, les député·e·s LREM proposent de privatiser une partie de ces missions d’ordre public aujourd’hui confiées à la police judiciaire, en les attribuant à des agent·e·s privé·e·s de sécurité, telles que la verbalisation d’infractions et le relevé d’identité. Cette déresponsabilisation de l’État et cette privatisation sont dénoncées comme étant en contradiction avec les normes constitutionnelles actuelles.

L’ambition sécuritaire du gouvernement et des parlementaires LREM ne fait plus aucun doute. Par cette proposition de loi, qui s’inscrit dans la suite logique du Schéma National du Maintien de l’Ordre paru le 17 septembre dernier, ils et elles affirment sans ambiguïté leur volonté de soumettre les citoyen·ne·s à une surveillance généralisée, en les privant de leurs moyens d’expression les plus directs. Le pouvoir étatique actuel a bien conscience de sa fragilité et de sa perte de légitimité, dont il a pu prendre la mesure lors des manifestations des Gilets Jaunes mais aussi pendant les mobilisations contre la réforme des retraites. Par ce texte, la classe dirigeante envoie un signal à ses opposant·e·s aussi bien qu’à celleux qui la soutiennent : pas de quartier pour les un·e·s, l’impunité pour les autres.

La manifestation sur l’espace public doit pouvoir se faire sans craindre pour sa propre intégrité physique. La diffusion des images dénonçant les violences policières par les citoyen·ne·s et les journalistes, aussi bien lors d’interpellations et de contrôles que pendant des manifestations, doit être protégée. Comme ont tenté de le faire les citoyen·ne·s et les militant·e·s à chaque nouvelle réforme ces vingt dernières années, il est urgent de rappeler aux gouvernant·e·s que l’exercice de la démocratie ne se résume pas qu’au vote et que la légitimité ne s’acquiert et ne se retire pas que par les urnes.

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