Articles

Manifestation festive et unitaire pour une société solidaire

Plusieurs milliers de personnes ont défilé dans les rues de Nantes vendredi 23 avril contre la réforme de l’assurance chômage, dans une ambiance conviviale et revendicative.

Place Graslin, 13h00. Une foule nombreuse, vêtue de noir sous le soleil méridien, fait face au théâtre occupé depuis le 10 mars par les artistes, les technicien·ne·s et les intermittent·e·s du spectacle. Depuis le début de cette occupation, le vendredi est une journée consacrée à la lutte contre la précarité et plus spécifiquement contre la réforme de l’assurance chômage. De fait, les occupant·e·s du théâtre nantais se sont rapidement impliqué·e·s dans la dénonciation de ce texte, dont la mise en application au 1er juillet 2021 va avoir des conséquences dramatiques pour plus d’un million de personnes inscrites à Pôle Emploi.

La journée de la mobilisation a débuté par de nombreuses prises de parole, animées par un maître de cérémonie « graslinois », dans un cadre théâtralisé permettant de rythmer cette première heure. Militant·e·s, syndiqué·e·s ou autonomes, artistes, intermittent·e·s mais aussi travailleu·rs·ses précaires, conseillère Pôle Emploi, étudiant ou encore membre du Comité du Souvenir se sont succédé·e·s au micro, face à une foule toujours plus nombreuse et bruyante. Toutes ces prises de parole, bien qu’issues de luttes différentes, ont mis l’accent sur l’importance de se regrouper et de s’organiser face à un ennemi commun: le capitalisme néolibéral, aujourd’hui incarné par Emmanuel Macron et son gouvernement. La pluralité des points de vue et des expériences partagées a mis en exergue le nombre considérable et en constante augmentation de personnes en situation de précarité et/ou de pauvreté, situation aggravée par la gestion catastrophique de la crise sanitaire et de ses conséquences économiques. Des interventions fortes, parfois emplies d’émotions, que nous avons choisi de partager dans leur intégralité dans notre podcast ci-dessus.

Les inquiétudes vis-à-vis de cette réforme à venir sont nombreuses et légitimes. Sous prétexte de réaliser une économie d’1 milliard d’euros par an, le gouvernement (qui avait reporté cette réforme entamée en 2019, du fait de la pandémie) s’apprête en effet à appauvrir les plus précaires parmi les privé·e·s d’emploi: les travailleu·rs·ses saisonni·ers·ères, les intérimaires et les personnes employées en CDD. Rappelons que le décret imposé en juillet 2019 avait été annulé en grande partie par le Conseil d’État en décembre 2020, suite à un recours de la part de plusieurs organisations syndicales. La remise en marche de cette réforme scandalise donc à juste titre, au beau milieu d’une crise sanitaire et économique sans précédent qui a d’ores et déjà appauvri plusieurs milliers de personnes, comme le constatent notamment les bénévoles du Secours Populaire et comme le démontre une étude réalisée en février dernier par l’institut Consumer Science & Analytics, qui révèle que parmi les 2,1 millions de bénéficiaires de l’aide alimentaire en ce début d’année, la moitié d’entre elleux n’y avait pas recours l’année dernière. Les prévisions concernant l’application de cette réforme sont alarmantes: le sociologue Mathieu Grégoire, s’appuyant sur le nouveau modèle de calcul du Salaire Journalier de Référence, qui considèrera désormais les jours travaillés ET les jours non travaillés, démontre ainsi que qu’un·e allocataire pourrait ainsi perdre jusqu’à un tiers de ses revenus mensuels ! Selon l’Unédic, organisme gestionnaire de l’assurance chômage qui a publié une note d’impact en avril dernier, cette réforme touchera au moins 1,15 millions d’allocataires dès la première année de son application. Pendant ce temps-là, les milliardaires français·es ont vu leurs revenus exploser depuis le début de la crise, tel que le démontre une analyse du classement Forbes réalisée par Attac France et Oxfam en avril dernier: entre mars 2020 et mars 2021, leur fortune a augmenté de 170 milliards d’euros, soit une hausse moyenne de 40% ! Un enrichissement que l’on ne peut que considérer comme indécent lorsqu’on le met en parallèle avec l’appauvrissement d’une partie toujours plus importante de notre société. Constat qui remet à nouveau en lumière, comme à chaque nouvel épisode de crise, la nécessité de réformer la fiscalité en imposant les revenus les plus élevés et les entreprises qui ont réalisé des bénéfices tels qu’elles versent des dividendes à leurs actionnaires, tout en continuant de licencier et de bénéficier d’abattements fiscaux et du chômage partiel! Une réforme indispensable, qui permettrait de récupérer les ressources nécessaires au financement de notre modèle de solidarité, issu du Conseil National de la Résistance, plutôt que de le détruire et donc de plonger dans la misère toujours plus de personnes, dans un pays qui occupe le sixième rang des puissances économiques mondiales.

Suite aux différentes interventions et performances artistiques, la manifestation nantaise, marquée par quelques interventions tout au long du parcours, s’est lancée en direction de la préfecture dans une ambiance musicale, colorée et printanière. Descendant la rue du Calvaire et mené par un camion-sono, le cortège a retrouvé des dizaines de technicien·ne·s battant un rythme cardiaque sur des flightcases, ainsi qu’un chameau des Machines de l’île sur le cours des Cinquante Otages. Après le passage devant la préfecture, redécorée par de nombreux tags, les manifestant·e·s ont longé le cours Saint André et le cours Saint Pierre en direction de Bouffay et Commerce, avant de repartir vers la place Graslin renommée place des résistances par les organisat·eurs·rices. La manifestation a pris fin aux alentours de 17h00 dans une atmosphère joyeuse, après un dernier chant interprété par la chorale des Graslinettes cendrées. Une ambiance dynamique, chaleureuse et festive, contrastant avec les trop nombreuses manifestations violemment réprimées et hautement anxiogènes. Une date qui restera sûrement dans les mémoires de celleux qui y ont pris part, comme une note d’espoir dans un contexte sécuritaire et répressif particulièrement prégnant.

Vous pourriez également aimer...