Interviews

Précarité étudiante et pandémie : nos questions au syndicat étudiant nantais La Mare

Créé en 2020 par des étudiant·e·s de l’université de Nantes, le syndicat étudiant La Mare tient à son indépendance.

Il y a quelques semaines, nous avons rencontré deux membres de ce jeune syndicat étudiant, Mojo et Solal, afin d’en savoir plus sur leurs convictions et la visée politique de leur organisation. Iels ont pu nous dire que l’action de terrain est l’élément central de leur syndicat, notamment pour tenter de rompre l’isolement et la détresse qui rythment le quotidien de nombreu·x·ses étudiant·e·s depuis le début de la pandémie. Soutenir les étudiant·e·s, mais aussi recenser leurs besoins et leurs difficultés au niveau local, afin de porter la parole de celles et ceux qui souffrent de l’absence de solutions proposées par le gouvernement depuis plus d’un an. De fait, les consultations psychologiques ainsi que les repas au Crous à 1 euro (voir notre article Pour l’éducation et contre la précarité), seules directives destinées aux étudiant·e·s considérablement fragilisé·e·s par la perte de liens mais aussi de revenus, sont loin d’être suffisantes. Concernant leur organisation interne, Mojo et Solal nous ont expliqué que les étudiant·e·s rassemblé·e·s au sein de La Mare avaient à cœur de mettre en place un fonctionnement horizontal, afin de ne pas reproduire des mécanismes de domination et de hiérarchie entre elleux. Pour ce faire, les rôles et les tâches à effectuer sont réparties entre les membres, dans un délai contraint, pour s’assurer que personne ne devienne indispensable au bon fonctionnement du syndicat. En outre, iels ont également rédigé une charte (visible intégralement ci-dessous) précisant les valeurs du syndicat, ainsi que les luttes à mener, dans une visée intersectionnelle tenant compte des différentes oppressions vécues par les étudiant·e·s.

Charte de La Mare
Préambule
La MARE est un syndicat de lutte local, actif à Nantes et
au sein de son Université. Il s’adresse aux étudiant.e.s et
aux jeunes précaires qui partagent les mêmes objectifs ;
conserver nos droits et en acquérir de nouveaux, et qui
souhaitent s’organiser pour lutter collectivement. Cette
charte a pour but de fixer les conditions nécessaires pour
rendre cette organisation collective possible.
Il existe une nécessité de créer une organisation
permettant de répondre localement aux besoins des
étudiants-tes. Pour y parvenir nous privilégions l’action et la
formation afin d’obtenir les progrès qui nous paraissent
indispensables ou de contester les réformes qui ne visent
qu’à opérer un recul de nos droits. Nous avons pour souhait
de continuer à construire la solidarité et de renouer les liens
entre les différents acteurs de l’Université parmi lesquels les
étudiants-tes sont essentiels.
Nos valeurs et nos luttes :
Article 1er : anticapitalisme
La MARE se définit comme un syndicat anticapitaliste,
en ce sens il reconnaît l’existence d’une lutte des classes et
cherche par tous les moyens à lutter contre les inégalités
sociales et les rapports de pouvoir au sens large. Nous
estimons que c’est d’abord le système économique et
l’organisation de la production qui sont responsables des
conditions de vie précaires. C’est d’ailleurs la priorisation
des logiques de profits capitalistes dans les politiques
universitaires qui sont responsables de la détérioration de
nos conditions d’études et de recherches.
Le savoir n’est pas une marchandise. Nous militons
pour une université ouverte à toutes et tous dont le but
principal est la diffusion des connaissances. Nous refusons
la construction d’une Université ayant pour but unique la
formation de futur.e.s travailleur.e.s, la recherche de
productivité et de rentabilité. Nous souhaitons défendre un
accès total à l’enseignement supérieur dans l’intérêt de
l’ensemble de la société.
Article 2 : lutte féministe
La MARE se définit comme un syndicat
profondément féministe : en ce sens il reconnaît les
discriminations liées à des considérations de genre et lutte
contre celles-ci. Même si l’égalité des genres est censée
être un principe appliqué en France, il n’est pas effectif en
pratique car nous vivons dans une société patriarcale qui
induit des oppressions sexistes. Une croyance indubitable
envers l’utilité du féminisme est nécessaire au sein de la
MARE. L’organisation patriarcale de la société provoque
l’attribution de la place de chacun.e au sein de la société dès
sa naissance et implique des comportements attendus. Le
syndicat tend à lutter contre les oppressions sexistes
inhérentes à ce système patriarcal, en commençant par son
propre cadre interne. C’est pourquoi, tout propos
oppressif, injure, geste déplacé, violence de nature
sexiste ne seront pas tolérés et feront l’objet de
sanctions.
Article 2.2 : lutte antiraciste.
La MARE lutte contre toute forme de racisme. Elle
reconnaît la présence de privilèges et d’inégalités entre les
individus lié.e.s aux différentes formes de racisme
systémiques qui existent dans la société. Le syndicat tend à
combattre ces inégalités, et à favoriser une atmosphère de
bienveillance à l’égard de tout le monde.
Aucun comportement raciste fondé sur une idéologie de
supériorité entre des individus de par leurs origines sociales
ou encore leurs couleurs de peau ne sera toléré. Ce type de
comportement ainsi que l’incitation à la haine est
fermement condamné. Tout propos oppressif, injure,
geste déplacé, violence de nature raciste ne seront
pas tolérés et feront l’objet de sanctions.
Article 2.3 : anti-LGBTQIA+phobie.
La MARE est un syndicat qui lutte contre toute forme
d’homophobie, de lesbophobie, d’enbyphobie ou de
transphobie à l’Université et dans nos rapports
interpersonnels. Nous reconnaissons les oppressions
spécifiques vécues par les personnes LGBTQIA+ au sein de
la société et nous soutenons les luttes pour leurs intérêts
spécifiques. Tout propos oppressif, injure, geste
déplacé, violence envers les personnes concernées
ne seront pas tolérées et feront l’objet de sanctions.
Les membres devront également respecter le genre, les
pronoms, l’identité que chacun.e détermine pour sa
personne.
Article 2.4 : anti-psychophobie et anti-validisme.
La MARE lutte contre les discriminations psychophobes
et validistes, elle soutient le principe de neurodiversité et
l’inclusion de toutes les personnes, quelque soit leurs
handicaps physiques, psychologiques ou mentales, faisant
ou non l’objet d’un diagnostic officiel, et soutient les luttes
pour leurs intérêts respectifs. Les personnes en situation
de handicaps sont plus à risque de subir des violences ou
des négligences sous toutes leurs formes il est donc de la
responsabilité de tous.tes d’être vigilant au bien être des
membres.
La MARE entend donc favoriser une atmosphère de
sécurité et de bienveillance. Autant que possible il sera pris
soin de rendre chaque productions et événements de la
Mare accessible et de veiller à la sécurité de toutes et de
tous. Tout propos oppressif, injure, geste déplacé,
violence ne seront pas tolérées et feront l’objet de
sanctions.
Article 2.5 : intersectionnalité.
Selon nous les systèmes d’oppressions sont
multiples – ils sont fondés sur la race, le genre, la
classe sociale… L’intersectionnalité entre ces
systèmes d’oppressions est fondée. Il est essentiel de
les combattre autant que possible par différentes
actions et formations.
Article 3 : transparence et confiance.
Dans un soucis de confiance et de transparence entre les
membres, il est attendu de chaque nouveau membre de
faire preuve d’honnêteté et de signaler à son entrée dans le
syndicat les possibles comportements problématiques
graves dont elle ou il a pu être responsable dans le passé
(agressions, actions militantes problématiques…) et
notamment si ces comportements ont déjà fait l’objet de
sanctions dans d’autres organisations. En fonction de la
gravité des faits la coordination générale se donne le droit
de soumettre l’adhésion du membre au vote afin de garantir
la sécurité.
Dans le cas où les membres du syndicat apprennent des
comportements problématiques passés de la personne
concernée, ces derniers se réservent le droit d’enquêter et
de prendre les sanctions qu’ils jugent nécessaires après que
la Coordination générale ait entendu ses explications.
Article 4 : gestion des comportements oppressifs
et agressions.

Dans toutes les situations qui peuvent advenir en
ce domaine, la ou les victimes sont toujours au centre
de la préoccupation du syndicat. Elles seront
écoutées, respectées et protégées : leur parole et leur
volonté sont primordiales. La gestion des
comportements oppressifs et des agressions visent
à leur garantir un espace sécurisant et bienveillant.
En cas de comportement oppressif (propos, insulte,
violence, agression) ou de non respect de cette charte au
moment où la personne est membre du syndicat, la
Coordination générale est compétente pour convoquer la
personne et écouter ses explications. La Coordination
Générale peut également décider de différentes sanctions
qui peuvent aller d’un simple rappel des principes du
syndicat, la demande d’excuse, la lecture de texte en
rapport avec les oppressions systémiques et la rédaction
d’un texte d’autocritique du membre, à son exclusion pour
motif grave. La rédaction d’un texte d’autocritique vise en
une réflexion concrète sur les causes et les améliorations
indispensables à apporter. En cas de récidive de la part du
membre responsable de ce genre de comportement et
sans volonté apparente de vouloir respecter ces principes,
la coordination pourra décider de procéder à un vote de
radiation du syndicat pour motif grave. La personne perd
alors sa qualité de membre.
En cas d’agression physique (raciste, sexuelle…) ou de
viol, la personne est immédiatement mise à l’écart en
attendant l’enquête et le vote sur son exclusion du
syndicat par la Coordination générale. La protection des
victimes est la priorité et le syndicat s’engage à être
présent selon les besoins et demande de la victime.
Le syndicat invite cependant également chaque
membre à faire preuve du plus de bienveillance possible en
fonction de son vécu, de son énergie et de sa patience. Le
syndicat se doit d’être un cadre collectif pouvant favoriser
la déconstruction individuelle; la pédagogie et la discussion
sont également des outils de lutte contre les oppressions.
Est donné la possibilité aux membres de mettre en place des
formations, de partager des ressources, et d’organiser des
débats afin d’entretenir notre culture politique et nos
savoirs.
Article 5 : hiérarchie des membres.
Il n’est reconnu aucune hiérarchie au sein du syndicat.
De plus, les membres doivent au mieux faire attention aux
hiérarchies implicites qui peuvent émerger au sein du
syndicat. Il ne faut pas hésiter à laisser de la place aux
initiatives et aux expressions de toutes et tous, et ne pas
chercher à se mettre en avant, ni avoir le monopole du
mérite des actions et des idées.
Article 6 : conditions de modification de la charte.
La présente charte a vocation à s’améliorer et peut être
modifiée par la Coordination générale qu’en réunion par un
vote au 4/5ème des membres présents.

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