Articles

Pour le droit à la souveraineté et à la dignité

Plusieurs centaines de personnes se sont mobilisées samedi 22 mai pour affirmer leur soutien au peuple palestinien et réclamer la condamnation des crimes commis par l’état israélien.

Comme la semaine précédente, le rendez-vous était fixé à 14h30 au carrefour de la rue de la Barillerie et du cours des Cinquante Otages, à l’appel de l’Association France Palestine Solidarité et la Plateforme 44 des ONG pour la Palestine, pour une manifestation autorisée cette fois-ci par la préfecture nantaise. Le rassemblement du 15 mai dernier, parti en cortège sans autorisation préfectorale après quelques prises de parole, s’était passé sans heurts et avait rassemblé plus d’un millier de personnes, questionnant une nouvelle fois la nécessité d’obtenir la validation du pouvoir exécutif pour manifester.

Le rassemblement a débuté par les interventions de plusieurs membres de la branche locale de l’AFPS, rappelant la situation coloniale vécue par le peuple palestinien depuis 1917 et détaillant les crimes d’état commis par Israël depuis le vendredi 7 mai 2021, date à laquelle l’armée israélienne a pénétré sur l’Esplanade des mosquées, faisant plus de 200 blessé·e·s. Deux Palestinien·ne·s se sont également exprimé·e·s pour remercier les manifestant·e·s de leur soutien mais aussi pour dénoncer la situation d’apartheid et d’exil subie par tout leur peuple et l’absence de condamnation de la part de l’état français. De fait, le président français a publiquement pris le parti de l’état israélien en condamnant les tirs « terroristes » du Hamas « mettant en danger la population de Tel Aviv », parlant en revanche de « pertes de civils palestiniens résultant des opérations militaires et des affrontements en cours avec Israël », sans condamner à aucun moment les exactions israéliennes pour ce qu’elles sont : des crimes commis dans un contexte de colonisation et d’occupation. Une situation dénoncée depuis plusieurs décennies par de nombreuses organisations et associations de défense des droits humains telles que l’AFPS, dont le président a d’ailleurs été placé en garde à vue mercredi 12 mai, alors qu’il sortait d’un rendez-vous au ministère des affaires étrangères suite à l’interdiction du rassemblement en soutien au peuple palestinien organisé par l’association le même jour. Ce placement en garde à vue, suivi de la prise de parole du ministre de l’intérieur exigeant l’interdiction de la manifestation parisienne du 15 mai 2021 (jour commémorant la Nakba du 15 mai 1948, date à laquelle plus de 750 000 Palestinien·ne·s ont dû s’exiler suite à l’éclatement de ce qui a été appelé la première guerre israélo-arabe), faisant de la France le seul pays du monde à interdire une manifestation de soutien au peuple palestinien, démontrent très clairement la position que souhaite occuper l’état français vis-à-vis de l’état israélien.

Le départ en manifestation s’est donc fait aux alentours de 15h00, sous le regard d’une trentaine de gendarmes mobiles déployé·e·s le long des voies de tramway pour escorter un cortège de quelques de centaines de personnes. Des membres de la Brigade Anti Criminalité (BAC) et de la Compagnie Départementale d’Intervention (CDI) étaient également présent·e·s en nombre conséquent rue de la Barillerie et rue Haute Casserie, pour empêcher tout départ de cortège dans les rues commerçantes en ce premier week-end de réouverture post-confinement. Les manifestant·e·s se sont donc dirigé·e·s vers la préfecture, suivant une tête de cortège menée par l’AFPS, dont les membres portaient les banderole et scandaient des slogans sommaires, couverts par ceux du reste de la foule composée d’une majorité de personnes racisées dont de nombreu·x·ses femmes, aux slogans beaucoup plus percutants et entraînants. Celles-ci ont d’ailleurs demandé l’accès au micro à plusieurs reprises à deux membres de l’AFPS et ont essuyé des refus cinglants de leur part, ces derniers justifiant qu’il fallait « faire partie de l’organisation » de la manifestation pour y avoir accès. L’un d’entre eux a même été violent physiquement vis-à-vis d’une manifestante, en lui attrapant le bras pour la repousser alors qu’elle tentait d’expliquer les raisons légitimes de cette demande. Une preuve supplémentaire, bien que non nécessaire, de la divergence des objectifs au sein d’une lutte commune, où certain·e·s se considèrent plus légitimes que d’autres et s’approprient des moyens d’action au détriment de personnes plus concernées. Espérons que cette mise en lumière des luttes de pouvoir intrinsèques à l’organisation de manifestations revêtant un caractère hautement symbolique et politique ne nuise pas à de futures mobilisations pour la défense du peuple palestinien, décourageant certain·e·s de participer à ces actions. Espérons également que la branche locale de l’AFPS prendra conscience de ses limites et de sa responsabilité vis-à-vis des autres manifestant·e·s et saura a minima reconnaître ses torts, pour laisser la place à d’autres personnes dans l’organisation des prochains rassemblements. Bien que l’on comprenne les enjeux liés à la tenue d’une manifestation déclarée en préfecture, d’autant plus suite à la répression du rassemblement et de la manifestation à Paris la semaine précédente dans un contexte politique et médiatique opportuniste, il est légitime d’attendre des organisat·eurs·rices qu’iels partagent l’espace de mobilisation et non qu’iels se l’approprient.

L’accès au quai Ceineray étant bloqué par un canon à eau mobile et des nombreu·x·ses fonctionnaires de police, le cortège a longé les cours Saint-André et Saint-Pierre en direction du miroir d’eau. Comme annoncé dès le départ, la manifestation a pris fin au pied du château des Ducs, dans une ambiance plutôt maussade et quelque peu anxiogène, compte-tenu du nombre important de forces de l’ordre dissuadant les plus motivé·e·s d’entamer un second tour dans quelque sens que ce soit. Les prises de parole de l’AFPS pour clôturer cette manifestation n’ont été suivies que par une poignée de personnes, les autres essayant tout de même de repartir en sens inverse afin de ne pas se laisser déposséder de cette lutte pour le peuple palestinien et de montrer leur détermination. La CDI et la BAC, présentes au niveau de l’arrêt de tramway Duchesse Anne, ont mis fin définitivement aux velléités de second tour en faisant l’annonce de la première sommation. Les manifestant·e·s se sont dispersé·e·s petit à petit, certain·e·s se donnant rendez-vous la semaine suivante pour une nouvelle mobilisation, malheureusement inexistante à l’heure où nous rédigeons cet article.


Bien qu’un cessez-le-feu entre le Hamas et l’état israélien ait été négocié le 20 mai dernier, la situation dans la bande de Gaza, où survivent plus de deux millions de personnes qui subissent un blocus israélien et égyptien depuis 2007, est toujours aussi catastrophique. Les bombardements israéliens ont détruit de nombreuses habitations, tuant au moins 254 Palestinien·ne·s, dont 66 enfants, et faisant plus de 1900 blessé·e·s. De nombreuses familles ont dû quitter leur logement pour se réfugier majoritairement dans des écoles, leur nombre étant estimé à 90 000 personnes déplacées. Les infrastructures de soin, telles que des hôpitaux et des dispensaires, ainsi que l’unique centre de dépistage Covid de cette zone, mais aussi des locaux abritant des médias à portée internationale, ont également été visées par les tirs de l’armée israélienne, rendant de fait la communication et la dénonciation de ces crimes beaucoup plus compliquée pour les journalistes. Toutes ces exactions commises par l’état israélien ont été portées devant le Conseil des droits humains (Human Rights Council) de l’ONU ce jeudi 27 mai 2021, chargé d’enquêter sur les circonstances de ces attaques perpétrées sur le peuple palestinien ces dernières semaines. La représentante de ce Conseil, Madame Bachelet, Haute-Commissaire de l’ONU aux droits humains, a déclaré que les frappes israéliennes pourraient être considérées comme des crimes de guerre « s’il s’avère que l’impact sur les civils et les objets civils est indiscriminé et disproportionné ». Rappelons qu’avant que ne démarre cette nouvelle phase d’agressions et de bombardements, l’ONU avait d’ores et déjà publié un rapport le 14 avril dernier, indiquant « l’augmentation marquée, ces derniers mois, de la violence des colons israéliens sur les civils palestiniens en Cisjordanie, avec des agressions et des destructions de propriétés dans un climat d’impunité ». En 2020, l’OCHA, l’Office pour la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, a documenté 771 agressions de colons israéliens blessant 133 Palestinien·ne·s, endommageant 9646 arbres (l’olivier étant une source de revenus importante et fortement lié à la culture traditionnelle palestinienne) et 184 véhicules, principalement dans les villes d’Hébron, Jérusalem, Naplouse et Ramallah. De plus, pour le premier trimestre 2021, le rapport indiquait déjà 210 agressions de Palestinien·ne·s, dont une mortelle. Des violences coloniales dans le but de terroriser et d’exproprier les Palestinien·ne·s, de les empêcher de cultiver leurs terres, de les empêcher de circuler et d’accéder à certaines zones. Le rapport détaille également les tentatives d’expulsion aussi bien dans les zones rurales que dans les villes, les colons n’hésitant pas à agresser les plus vulnérables parmi la population palestinienne et à enfreindre les lois et les conventions internationales. Des exactions commises bien souvent avec le concours de l’armée israélienne, qui n’aboutissent même pas à une enquête judiciaire : selon Yesh Din, une organisation israélienne de défense des droits de l’homme, entre 2005 et 2019, 91% des plaintes déposées par les Palestinien·ne·s devant l’autorité israélienne pour des crimes « motivés idéologiquement » (racistes et/ou religieux) ont été classées sans aucune inculpation.

Vous pourriez également aimer...