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Travailleu·ses·rs Du Sexe : le contexte sanitaire et sécuritaire accroît la précarité et la vulnérabilité

Une centaine de personnes se sont réunies place du Bouffay, à l’occasion de la Journée internationale contre les violences faites aux TDS jeudi 17 décembre 2020.

« Pour que cessent les violences faites aux TDS ». L’appel au rassemblement initié par « des putes vénères » a été relayé sur les réseaux sociaux, notamment par l’association nantaise Paloma, qui accompagne les personnes qui vivent du travail du sexe, dans une démarche de réduction des risques liés à cette activité.

Déjà fragilisé·e·s par la loi du 13 avril 2016, les travailleu·ses·rs du sexe sont aujourd’hui exposé·e·s à une précarité accrue, du fait du contexte sanitaire et sécuritaire actuel. Rappelons que cette loi, qui « interdit le recours aux services d’une personne qui se prostitue », prévoit une amende pouvant aller jusqu’à 1500 euros pour un·e client·e, et jusqu’à 3750 euros en cas de récidive. Le texte prévoit également des peines d’emprisonnement allant jusqu’à 7 ans et 150 000 euros d’amende pour les proxénètes, sans tenir compte du contexte d’exercice du travail du sexe, pouvant par exemple mener à des condamnations de personnes considérées comme proxénètes car titulaires du bail d’un logement dans lequel exerce et vit un·e travailleu·r·se du sexe.

Une situation dénoncée par les collectifs qui accompagnent les personnes qui vivent du travail du sexe, notamment Médecins du Monde, à l’initiative d’une question prioritaire de constitutionnalité fin 2018, demandant au Conseil Constitutionnel d’examiner la conformité de la loi du 13 avril 2016. L’ONG a également participé à une vaste étude en 2018, qui révèle que 63% des travailleuses et travailleurs du sexe ont connu une détérioration de leurs conditions de vie et d’exercice de leur activité et que 78% d’entre elleux ont été confronté·e·s à une diminution de leurs revenus depuis l’adoption de cette loi. De plus, du fait de la précarité de leur situation, les travailleu·ses·rs du sexe se retrouvent contraint·e·s de se soumettre aux tarifs et aux conditions de leurs client·e·s et de se cacher pour exercer leur activité. Cela augmente également l’isolement et donc les risques d’agression, voire même de meurtre, commis sur des personnes qui exerce le travail du sexe. La loi de 2016 n’a donc pas amélioré les conditions de vie et d’exercice des TDS, bien au contraire, comme pouvait le laisser présager le cas de la Suède.

En outre, le Parcours de Sortie de la Prostitution prévu par cette loi pour aider les TDS sans-papiers victimes de proxénètes ou de réseaux de traite humaine, est également un outil inadapté et inefficace. En 2019, soit 3 ans après l’adoption du texte de loi, seulement 183 personnes avaient pu « bénéficier » de ce programme, bien loin des 500 à 1000 personnes par an initialement envisagées. De plus, les personnes qui intègrent ce dispositif se retrouvent soumises à un contrôle strict, impliquant notamment l’arrêt de toute activité liée au travail du sexe. En contrepartie, une allocation de 330 euros par mois leur est versée, un montant dérisoire qui ne permet pas de vivre décemment et aggrave donc leur précarité et leur vulnérabilité, rendant le programme peu attractif et inefficace.

Comme l’ont dénoncé les « putes vénères » dans leur appel au rassemblement du 17 décembre, il n’est plus possible d’envisager l’abolition de la prostitution comme la solution miracle aux situations de pauvreté et de vulnérabilité dans lesquelles se retrouvent actuellement les personnes qui vivent du travail du sexe. Ce qu’iels demandent, c’est de pouvoir disposer librement de leur corps et exercer leur travail dans des conditions décentes, sans avoir à se cacher par crainte des contrôles de police abusifs. Ce qu’iels demandent, c’est que cessent les jugements de valeur concernant leur activité, considérée comme dégradante et avilissante. Ce qu’iels demandent, c’est la fin du système patriarcal, capitaliste, raciste et validiste. Dans un système économique profondément inéquitable, notamment pour les femmes, les personnes faisant partie des minorités sexuelles et de genre, les personnes racisées, les personnes en situation de handicap, les personnes sans-papiers, les personnes peu qualifiées, le travail du sexe peut être un choix émancipateur, temporaire ou non, permettant d’acquérir une certaine autonomie financière. Pour cela, il est indispensable que les mentalités changent, que l’on écoute enfin les personnes concernées par le travail du sexe et que l’on construise avec elleux un cadre légal qui réduise les risques liés à l’exercice de leur activité.

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