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Un foot populaire contre les projets écocidaires d’une mairie « écolo »

Lundi 17 janvier 2022, plus d’une centaine de personneXs se sont rassembléeXs place de la mairie à Rennes, lors d’un foot populaire, pour appeler à sauver deux zones naturelles rennaises de l’urbanisation et de la bétonisation.

Plusieurs collectifs se battent depuis de longs mois, parfois des années, pour sauver des terres naturelles et empêcher l’aboutissement à Rennes de deux projets écocides et anachroniques compte-tenu de l’urgence climatique : le projet Via Silva et le projet d’extension du centre d’entraînement du Stade Rennais à La Prévalaye. Ce sont le collectif de Sauvegarde de la Prévalaye, le collectif 650 ha, Extinction Rébellion Rennes, Alternatiba Rennes, Résistance Écologiste Rennes, La Nature en Ville, le Groupe Nationale de Surveillance des Arbres de Rennes, le Réseau de Ravitaillement des Luttes du pays rennais, la Ferme Perma G’Rennes et le Jardin des Mille Pas qui coordonnent et co-organisent l’événement du jour : un foot populaire. Sous les fenêtres de la mairie, où se tient une réunion municipale à laquelle ces collectifs n’ont, officiellement, pas pu participer du fait du contexte sanitaire, iels s’organisent donc autrement pour se faire entendre.

À 16h30, sous le soleil rasant de cette mi-janvier, les manifestanteXs présenteXs commencent à préparer les terrains de football, tandis que les collectifs installent sono, vin chaud et crêpes vendus à prix libre. Devant la mairie, une chaîne humaine se forme pour transporter rapidement et solidairement des briques de terre crue (des adobes), qui permettront la construction « d’un phare de la révolution », garanti sans béton et 100% naturel, puisque ces briques ont été faites grâce à la terre de « Via Silva » par le collectif 650 hectares. Par ce geste, les citoyenneXs souhaitent montrer, puisque les élueXs et les professionnelleXs du BTP ne veulent pas l’entendre, qu’il est possible de construire autrement qu’avec des matériaux polluants et rapidement obsolètes tels que le béton.

Sur les deux terrains de foot populaire tracés sur le sol de la place de la mairie, des équipes s’affrontent parfois avec passion, sous les applaudissements et commentaires des spectateuriceXs enjouéeXs. Pourtant, si l’ambiance est bonne aujourd’hui, l’heure est grave pour les quelques rares espaces naturels qui restent encore dans la ceinture rennaise, ou celles en proche proximité. Il y a d’abord des terres à La Prévalaye, à l’ouest de Rennes, qui sont convoitées par le milliardaire français François Pinault, propriétaire du Stade Rennais, pour l’extension de son centre d’entraînement. Ainsi, non loin des bords de la Vilaine, quelques 3.5 hectares (ou 5, selon les va-et-vient de la mairie) de jardins ouvriers, bocages, terres fertiles et naturelles des parcelles de la Piverdière pourraient être cédés et artificialisés au profit des intérêts d’un acteur privé, plutôt que conservés et sanctuarisés pour préserver la faune et flore qui s’y trouvent. Ce projet d’extension participe au grignotage progressif des 450 hectares de La Prévalaye, qui sont urbanisés sans réflexion ni consultation des citoyenneXs, comme l’explique le Collectif de Sauvegarde de La Prévalaye dans sa pétition. L’aménagement de cet espace et sa « revalorisation » par Rennes Métropole sont ici synonyme de construction de chemins artificiels, destruction de l’habitat naturel d’espèces protégées, déboisement et puis « plantation palliative » dans des conditions non favorables au développement des arbres ainsi que, encore et toujours, bétonisation de zone humide, le tout en consultant les RennaiseXs après le début des travaux. C’est pourtant la maire de Rennes, Nathalie Appéré elle-même, qui disait dans son programme de 2020 que Rennes devait être une ville exemplaire pour l’écologie.

Ensuite, à l’est, entre Rennes, Cesson et Thorigné, ce sont près de 650 hectares de terres qui sont en voie de construction et d’artificialisation. Le projet urbain, baptisé « Via Silva » (vers la forêt) pour le côté greenwashing, a été conçu par les administrations publiques de Cesson-Sévigné, Rennes Métropole, Rennes et Thorigné-Fouillard et présenté à l’origine comme un écoquartier. Sur le site du projet, on peut par exemple lire qu’il a été labellisé « ÉcoCité en 2009 ». Pourtant, lorsqu’on lit la définition sur le site du Ministrère de la transition écologique de ce que sont les écocités, on a de quoi s’inquiéter pour les 650 hectares de terres fertiles de l’intra-rocade rennaise : « En partenariat avec les acteurs publics et privés, les ÉcoCités mettent en œuvre des projets urbains innovants au service d’une stratégie de développement territoriale ambitieuse pour inventer la ville de demain ». Un jargon qui n’a rien d’écologique, bien que plus loin soient ajoutés des éléments pour tenter de réaffirmer la partie « éco » de ces cités : « Portant sur les enjeux de la qualité de l’air, la gestion de l’énergie et de l’eau, des déchets, de la mobilité ou encore de la cohésion sociale, les ÉcoCités, font émerger une nouvelle façon de concevoir, construire et gérer la ville. »

Malheureusement, « Via Silva » n’a rien d’innovant dans la manière de construire, puisque ce qui sort de terre depuis des années ne sont autres que des bâtiments en béton armé (durée de vie : 50 à 100 ans maximum du fait de la détérioration des renforts métalliques), destinés à des logements, bureaux et zones d’activités. Quant à la « gestion de l’énergie et de l’eau », les travaux en cours détruisent champs, prairies, haies et zones humides, sans compensation. Un constat établi par l’association environnementale Eau et Rivières de Bretagne, pourtant sollicitée par les acteurs de « Via Silva » pour avaliser le projet, ce que l’association n’a jamais fait. Bien au contraire, d’après le collectif 650 ha, l’association Eau et Rivières de Bretagne aurait déploré la destruction et l’artificialisation de terres agricoles liées à ce projet.

Le projet de développement urbain Via Silva est défendu par les administrations publiques grâce à l’argument fallacieux des besoins de logements. Pourtant, si l’on en croit les statistiques de l’Insee, plus de 8000 logements ont été recensés comme vacants à Rennes en 2018. Sans parler des résidences secondaires qui fleurissent (près de 4000 à Rennes en 2018). Par ailleurs, Nathalie Appéré affirmait dans son programme vouloir « garantir un logement pour tous » et ne laisser « aucun enfant dormir à la rue ». Force est de constater qu’elle continue de laisser des familles dormir dehors, dans des conditions dramatiques. De fait, depuis le 15 janvier 2022, grâce à la seule solidarité et mobilisation de bénévoleXs de l’inter-organisation de soutien aux personnes exiléeXs, une soixantaine de personneXs ont trouvé un refuge d’urgence au gymnase de la Poterie, sans que ni mairie ni préfecture ne propose de solution durable. Ces mêmes familles qui logeaient encore dans le campement des Gayeulles en octobre 2021, alors que les fortes intempéries et les conditions sur place les mettaient en danger. Familles qui avaient ensuite été accueillies dans les locaux associatifs des Éclaireurs et Éclaireuses de France à Thorigné-Fouillard, en l’absence totale de réaction de la mairie. 

Sur place, l’indignation est palpable au sein de l’assemblée des manifestanteXs, lorsque les différents collectifs prennent la parole et rappellent les nombreux griefs qu’iels ont envers la mairie de Rennes, qui se revendique par ailleurs écolo et socialiste. Iels dénoncent ces projets écocides construits sans réelle consultation populaire, qui sont des gouffres économiques, inventant des solutions de logements en total décalage avec les besoins urgents et immédiats et se basant sur des transactions publiques-privées faites sans transparence : la liste est longue. Pas étonnant, dans ces conditions, d’entendre les personneXs mobiliséeXs demander la démission de Nathalie Appéré, tandis qu’iels allument des fumigènes près du phare de la révolution. Ce dernier restera, fier et debout, alors que les manifestanteXs quittent la place aux alentours de 18h40. Il n’y a plus que les quelques forces de l’ordre présentes durant l’événement qui rôdent autour de la construction en briques crues, se demandant sûrement comment la démanteler et faire place nette rapidement.

Temps de travail :

  • Prises de sons par Rustine, 2h
  • Prises d’images par Suvann, 2h
  • Rédaction de l’article par Rustine et Suvann, 5h
  • Montage du podcast par Rustine, 2h
  • Sélection et traitement des photos par Suvann, 1h45
  • Relecture, réécoute, correction par Luth, 2h

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