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Répression du nouvel an de Lieuron : le rassemblement de soutien rennais mobilise près d’un millier de personnes

De nombreux collectifs et anonymes ont répondu à l’appel du comité de soutien aux inculpé·e·s de la Maskarade, samedi 23 janvier à Rennes.

L’appel au rassemblement, lancé par le comité de soutien aux inculpés de la Maskarade et de La Coordination Nationale des Sons, était donné pour 14h00 à l’esplanade Charles-de-Gaulle de Rennes. Sur place, quelques enceintes portables et instruments de musique, à défaut de pouvoir monter un réel sound system, du fait de l’interdiction prononcée la veille par la préfecture d’Ille-et-Vilaine. Outre les plusieurs centaines de personnes présentes, différents collectifs comme le Comité Rennes 8 Décembre, le collectif artistique Club de Bridge et sa Délégation Technique à l’Émancipation Réelle (DéTER), La France Insoumise, l’Union Communiste Libertaire, Solidaires ou encore Street Medics 35.

Un rassemblement statique donc, la volonté préfectorale étant d’empêcher l’organisation d’un cortège festif et musical comme la semaine précédente. Malgré l’annonce de la libération, la veille, de la personne placée en détention provisoire suite aux interpellations du 4 janvier 2021, près d’un millier de manifestant·e·s se sont mobilisé·e·s pour exprimer leur soutien aux organisat·eurs·rices présumé·e·s du nouvel an de Lieuron. Cette libération, bien qu’accueillie comme une bonne nouvelle, a aussi été interprétée comme une tentative de démobilisation, puisque l’appel de ce jour avait surtout pour objet de dénoncer cette incarcération abusive.

Sur place, parmi les collectifs présents, le Comité Rennes 8 décembre, créé suite à l’interpellation de 9 personnes le 8 décembre 2020, désigné·e·s comme membres de « l’ultra-gauche » et soupçonné·e·s « d’association de malfaiteurs en vue de commettre des actes terroristes criminels ». Bien qu’aucun fait ne leur soit reproché, cinq d’entre elleux sont encore incarcéré·e·s à ce jour, dans des conditions qui sont celles de l’antiterrorisme, à savoir l’isolement et la surveillance renforcée. Des personnes incarcéré·e·s sur la base de « soupçons » de potentiels « projets », pour lesquel·le·s des comités de soutien s’organisent un peu partout en France. Outre le combat pour leur libération et l’abandon des poursuites, leurs soutiens dénoncent également les dérives autoritaires d’un pouvoir étatique qui criminalise ses opposant·e·s et cherche à dissuader toute forme de contestation.

Également présente, la DéTER, créée par le collectif artistique poitevin Club de Bridge, dont l’objet est de rappeler que « les questions de liberté et d’émancipation sont centrales dans la constitution et le maintien d’une société heureuse ». Pour ce faire, la DéTER a réalisé une Attestation Dérogatoire de Liberté, pensée comme un espace d’expression laissant libre cours à l’imagination de chacun·e, afin de « remettre au centre la question de l’émancipation collective ». Disponibles également en ligne, ces attestations seront ensuite utilisées par la DéTER, qui demandera à être consultée lors des débats parlementaires sur les lois « séparatisme » et « sécurité globale », afin de « renverser les discours sécuritaires » et proposer « un nouvel idéal d’émancipation ». Une initiative poétique et revendicative, qui a aussi pour but de redynamiser « les formes traditionnelles du militantisme » qui « s’épuisent », notamment du fait du durcissement de la répression policière et judiciaire auxquelles elles se confrontent.

Après quelques prises de parole et dans une ambiance joyeuse et festive, le rassemblement a finalement été dispersé dans la douleur, suite à l’intervention des forces de l’ordre, sans sommation, pour empêcher la montée d’un modeste sound system. Une dizaine de manifestant·e·s ont été blessé·e·s et une quinzaine de personnes ont été placé·e·s en garde à vue, symbole supplémentaire d’une répression démesurée. Une intervention brutale, à laquelle nous n’avons pas pu assister, ayant quitté Rennes pour être de retour à Nantes avant l’heure du couvre-feu… Dans ce contexte de restrictions des libertés et d’autoritarisme étatique, il apparaît clairement que le discours dominant tend à empêcher toute forme de contestation, dans un monde traversé par des crises globalisées (sanitaire, écologique, sociale…). Rappelons, comme l’a très justement expliqué Barbara Stiegler, professeure de philosophie politique, que la contestation est pourtant inhérente et essentielle à une société qui se veut démocratique. Une philosophie partagée par de nombreux collectifs et individu·e·s, qui appellent à une mobilisation massive dans toute la France samedi 30 janvier 2021, pour une nouvelle marche des libertés.

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