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Marche pour Cédric Chouviat : un an après sa mort, la famille continue de réclamer justice et vérité

Plusieurs familles de victimes de violences policières, ainsi que de nombreux collectifs, ont participé à la marche en hommage à Cédric Chouviat, dimanche 3 janvier 2021.

Près de 500 personnes étaient présentes place de l’Uruguay à 14h00, pour la marche organisée par la famille de Cédric Chouviat un an après sa mort, suite à un contrôle de police le 3 janvier 2020 quai Branly. Des anonymes, mais aussi un grand nombre de familles de victimes de violences policières, des associations ainsi que quelques élu·e·s. Lors de la conférence de presse organisée en amont de la marche, la famille de Cédric, notamment ses parents, son épouse et sa fille Sofia ont rappelé les circonstances de sa mort le 3 janvier 2020 : interpellé alors qu’il circulait en scooter, Cédric Chouviat a sorti son téléphone et commencé à filmer, avant de se retrouver étouffé sous le poids des agents de police. Des images effroyables, mais qui constituent de précieux éléments de preuves dans le cadre de l’enquête judiciaire. La famille Chouviat a insisté sur le caractère pacifique de cette marche, organisée pour rendre hommage autant que pour demander justice pour leur fils, leur époux, leur père. Iels ont notamment insisté sur la suspension des 4 fonctionnaires de police impliqué·e·s dans le décès de Cédric Chouviat, toujours en activité à ce jour. Bien que ce dernier ait été déclaré mort le 5 janvier 2020 à l’hôpital, c’est la date du 3 décembre qui est, pour sa famille, celle de sa disparition, son cerveau n’ayant pas été irrigué pendant plusieurs minutes suite à la clé d’étranglement et au placage ventral qui ont causé sa mort. Les familles de plusieurs victimes de violences policières ont également pris la parole pendant la conférence de presse, pour témoigner leur soutien et inscrire ce drame parmi de trop nombreux autres. Des témoignages que nous avons enregistrés et inclus dans les trois podcasts ci-dessous, qui donnent également à entendre le déroulement de la marche dans son intégralité.

Des prises de parole fortes, revendicatives, qui exigent la vérité et la justice pour tous et toutes. Qui témoignent aussi de la ténacité et du courage que ces familles de victimes de violences policières se doivent d’avoir, pour ne pas abandonner face aux nombreux obstacles auxquels elles se confrontent lors de leur parcours judiciaire. Une Justice dont la lenteur questionne et révolte, à juste titre, comme l’a exprimé Hadja Bah, la sœur d’Ibrahima Bah, dont les demandes d’accès aux vidéos des caméras de surveillance, aux abords du lieu du décès de son frère, n’ont jamais abouti.

Ce combat contre l’institution policière et judiciaire, la famille de Lamine Dieng l’a vécu pendant 13 ans, pour obtenir finalement un accord à l’amiable avec l’État français, après le dépôt d’une requête auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. Un accord que la famille considère comme « un aveu de responsabilité », mais qui ne rend pas justice pour autant. C’est cette injustice que la famille de Lamine Dieng continue de combattre, notamment par le biais du Collectif Vies Volées, créé en 2010, dont l’objectif est de faire interdire les techniques létales d’immobilisation, responsables de la mort de Lamine Dieng, mais aussi de celles d’Adama Traoré et de Cédric Chouviat. Peu de temps après la mort de ce dernier, le collectif a impulsé une pétition et un appel contre l’impunité des violences policières, co-signé par de nombreuses familles. La lutte contre l’impunité policière, c’est aussi ce qui anime Amal Bentounsi, qui s’est battue pendant 5 ans pour que soit condamné le policier responsable de la mort de son frère Amine Bentounsi, abattu d’une balle dans le dos en 2012. Aujourd’hui étudiante en droit, Amal Bentounsi a également créé l’application mobile Urgence Violences Policières, disponible depuis mars 2020 sur Android puis iOS, qui permet l’enregistrement de vidéos envoyées directement à un serveur et récupérables par la suite, même en cas de destruction du téléphone.

Après la conférence de presse, le cortège s’est dirigé vers le quai Branly, marquant plusieurs arrêts tout au long du parcours, notamment lorsque les 7 kakémonos préparés par l’association ATTAC ont été hissés, un pour chaque « J’étouffe ! » qu’a prononcé Cédric Chouviat avant de mourir, écrasé par le poids des policiers. Un triste slogan, scandé aussi plusieurs fois par son neveu lors de la marche et repris par la foule. Parmi les associations présentes aux côtés de la famille Chouviat, la Ligue des Droits de l’Homme et le Syndicat National des Journalistes, également fortement investis dans la mobilisation contre la loi « sécurité globale », dont on rappelle ici que l’article 24 prévoit la pénalisation de la diffusion d’images de forces de l’ordre, tout comme l’article 18 de la loi « séparatisme/confortant le respect des principes de la République ». Dans les rangs des manifestant·e·s, quelques Gilets Jaunes sont également présent·e·s, notamment Mélanie Ngoye-Gaham, elle-même victime de violences policières pendant une manifestation en avril 2019, subissant une double fracture des cervicales suite à un coup de matraque dans la nuque. Elle aussi continue de lutter contre l’impunité policière et continue de subir la répression pour son engagement : le fait de tenir un simple parapluie, lors d’une manifestation contre les lois liberticides le 15 décembre dernier, a conduit à son placement en garde à vue pendant 70 heures, sans qu’aucune charge ne soit retenue contre elle. Une garde à vue abusive, symbolique des violences de tout un système.

Les noms des trop nombreuses victimes de violences policières ont été scandés pendant toute la marche, réclamant la justice et la paix pour elles et leurs proches. En effet, les familles restent dans l’incapacité de faire le deuil, du fait de l’absence de condamnation des agent·e·s des forces de l’ordre concerné·e·s. Comme le révèle une enquête menée par le média indépendant Basta!, sur les 213 interventions des forces de l’ordre recensées ayant abouti à la mort d’une personne, 67% ne débouchent sur aucun procès. Une situation d’impunité des responsables, dénoncée par les familles et notamment celle de Cédric Chouviat, qui attend toujours d’être reçue par le ministre de l’intérieur et que soient suspendu·e·s les 4 fonctionnaires de police impliqué·e·s. Une situation d’injustice flagrante, à laquelle sont confrontées de nombreuses familles de victimes, dont celles présentes ce jour-là : Lahoucine Ait Omghar ; Ibrahima Bah ; Gaye Camara ; Sabri Chouhbi ; Babacar Gueye ; Adama Traoré… Un état de faits qui génère, de par sa récurrence et son aspect quasi systématique, la colère et le rejet des institutions policières et judiciaires, exprimés lors de cette marche au travers des slogans « Tout le monde déteste la police ! » et « Un flic, une balle, justice sociale ! ». Ces slogans, scandés à l’arrivée sur les lieux de la mort de Cédric Chouviat, ont amené sa fille Sofia à reprendre la parole dans une volonté d’apaisement, demandant à ce que la foule s’abstienne de les crier ce jour-là, rappelant l’objet de la marche : un hommage teinté de tristesse, dans la dignité et dénué de colère ou de haine, demandant la justice. Une justice possible et accessible malgré tout, selon un des avocats de la famille Chouviat présents ce jour-là, Maître Arié Alimi. Conseil de plusieurs victimes et familles de victimes, ce dernier a aussi rappelé le caractère raciste d’une très grande majorité des violences et crimes commis par la police et/ou la gendarmerie, dénonçant l’esprit de corps des institutions policières et judiciaires, les mensonges et les faux témoignages qui favorisent l’impunité des auteur·e·s. Une prise de parole qui a également fait le lien avec la lutte contre la loi « sécurité globale » et les autres textes de loi liberticides, qui favoriseront encore davantage l’impunité et l’invisibilisation des violences et crimes policiers, rendant impossibles vérité, justice et paix.

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