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Pour un antisexisme intersectionnel

Samedi 27 novembre 2021, plusieurs centaines de personneXs se sont retrouvéeXs place de Bretagne, suite à l’appel de nombreux collectifs nantais, pour dénoncer les violences faites aux personneXs sexiséeXs.

Malgré une météo glaciale, les marches de la place de Bretagne et les voies de tram ont été investies dès 14h00 par près d’un millier de manifestanteXs, répondant à l’appel des collectifs et associations Collages Queer RaciséeXs, Paloma, TRANS INTER Action, SG Collectif Queer, Nosig, Les Colleuxses Nantes, le Planning Familial 44, Reboo-T et Féministes Révolutionnaires Nantes.

Rappelons le contexte : le 25 novembre est la Journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes. Initialement, cette date du 25 novembre a été instaurée en 1999 par l’Organisation des Nations Unies (ONU) en commémoration des sœurs Mirabal, militantes dominicaines assassinées le 25 novembre 1960 sur ordre du dictateur dominicain Rafael Trujillo, alors qu’elles rendaient visite à leur maris incarcérés.
À Nantes, cette date clé est monopolisée depuis plusieurs années par des syndicats et des collectifs féministes racistes, putophobes (abolitionnistes) et transphobes, ne prenant pas en compte les violences faites aux femmes trans, personnesX non binairesX et aux travailleur.euseXs du sexe lors de cette journée de lutte. Notre article sur la mobilisation de l’année dernière faisait d’ailleurs part des propos transphobes, putophobes et racistes (notamment en interprétant l’hymne des femmes) tenus lors des prises de parole des différents collectifs.
En France, les collectifs, associations et certaines figures féministes TERF (trans exclusionary radical feminist) répandent toujours plus librement leurs propos transphobes, voire sont invitées par la ministre Marlène Schiappa à donner leur avis sur les propositions de lois concernant les thérapies de conversion, alors qu’elles ne sont pas concernées. Dans ce climat de transphobie ordinaire et institutionnalisée, il est plus que nécessaire de défendre sans concession les droits de touteXs les personneXs sexiséeXs.

C’est donc afin de prendre la rue à cette date clé et d’y défendre des revendications réellement intersectionnelles que plusieurs collectifs ont appelé à se mobiliser le 27 novembre et à boycotter la manifestation du 25 novembre, organisée notamment par l’association 44 Vilaines Filles, le Mouvement du Nid, Osez le féminisme 44 ou encore l’espace Simone de Beauvoir. Cette démarche de refus d’alliance avec des collectifs et associations problématiques a permis à la manifestation du 27 novembre de diffuser de réels slogans décoloniaux, antiracistes, antisexistes, dénonçant la putophobie, l’islamophobie, la transphobie et les violences lgbtqia+phobes, dans une ambiance revendicative et déterminée. Une mobilisation plutôt inédite dans la lutte nantaise et qui s’inscrit dans la continuité de la manifestation organisée le 8 mars dernier par une partie de ces collectifs (Collages Queer RaciséeXs, SG Collectif Queer et Les Colleuxses Nantes).
Par ailleurs, le parcours initial a dû être adapté du fait de l’interdiction préfectorale formulée la veille de la manifestation, contraignant le cortège à éviter l’hyper-centre abritant, entre autres, le marché de Noël. C’est donc vers la place du Cirque que le cortège s’est dirigé, sous des trombes d’eaux, empruntant par la suite la rue de Strasbourg. Les Galeries Lafayettes ont été atteintes vers 16h et ses vitrines repeintes de slogans pour l’occasion : « transfem on t’aime », « ACAB », « stop fast-fashion », « crame la taule », « end TERF », « trêve hétéro », « hétérophobe » ! La manifestation a ensuite atteint la Place Graslin vers 16h30, où les collectifs ont investi les marches du théâtre pour faire des prises de parole finales (à écouter dans notre podcast ci-dessus) et rendre hommage à touteXs les victimeXs de crimes putophobes, transphobes et sexistes en France en 2021. 

Les collectifs présents ont ainsi annoncé le nombre de 129 personneXs victimeXs du patriarcat cette année. 129 victimeXs de trop, comprenant notamment les enfants assassinéeXs par leur géniteur. 129 victimeXs que le ministre de la justice Éric Dupont-Moretti nie et invisibilise, estimant, dans une de ses dernières prises de parole, avoir «fait le job» avec son ministère pour lutter contre les violences sexistes. Cette déclaration est d’autant moins entendable que les violences conjugales n’ont cessé d’augmenter au fil des nombreux confinements dus à la crise sanitaire. En 2020, le ministère de l’Intérieur a en effet enregistré une augmentation de 10% des violences conjugales.

De plus, rappelons que fin 2020, le gouvernement d’Emmanuel Macron avait déclaré vouloir ouvrir à la concurrence la gestion du numéro d’écoute 3919 Violences Femmes Info via le lancement d’un appel d’offre, ce qui avait provoqué la colère de la Fédération Nationale Solidarité Femmes, gestionnaire de ce numéro jusqu’alors. Ce changement de statut (mis en suspens pour le moment) permettrait d’exercer des pressions et d’imposer un cahier des charges, notamment en fixant des objectifs de rentabilité, absolument inadapté aux services du 3919 et à l’écoute des victimeXs.
Notons également que le Gouvernement est absent sur les questions de transidentité et ne met à l’ordre du jour l’étude d’une loi interdisant les thérapies de conversion que pour répondre à son agenda électoral. Validée le 7 décembre 2021 par le Sénat, cette loi indispensable n’a cependant pas atteint tous ses objectifs : les deux amendements visant à interdire les mutilations génitales sur les enfants intersexes ont été rejetés.

Il est donc plus que nécessaire, à Nantes comme ailleurs, de rester mobiliséeXs et vigilanteXs quant à la récupération des luttes antisexistes, inclusives et à visée intersectionnelle et de ne pas laisser la place à celleux qui reproduisent des discriminations et de la violence dans leur propre organisation. Comme l’a parfaitement démontré cette manifestation, il est possible et même indispensable de s’organiser entre personnesX concernéeXs afin d’occuper tous les espaces et de mettre fin aux violences réelles, aussi bien que symboliques, que nous impose ce système cisnormatif, hétéronormatif, raciste, classiste, validiste, psychophobe et putophobe dans lequel nous existons.

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