Jeudi 27 janvier 2022, l’appel à la grève nationale lancé par les syndicats CGT, Solidaires, FO et FSU a mobilisé quelques milliers de personnes à Nantes, pour une manifestation unitaire suivie d’un cortège autonome violemment réprimé.
À Nantes, cette journée de mobilisation s’est déroulée en quatre temps : un départ aux aurores pour un blocage au lycée des Bourdonnières ; une assemblée générale à 11h, appelée par le syndicat SUD Éducation 44 et annulée du fait d’une trop faible participation ; une manifestation interprofessionnelle et intersyndicale relativement traditionnelle à 14h, suivie d’un cortège autonome de clôture aux alentours de 17h.
Après deux jeudis de mobilisation du secteur de l’Éducation nationale, la manifestation du jeudi 27 janvier a réuni plusieurs secteurs interprofessionnels du public et privé. Le rendez-vous était donné par les syndicats aux grévisteXs et autreXs manifestanteXs devant la préfecture de Nantes à 14h. Les représentanteXs des quatre syndicats à l’origine de cet appel y ont pris la parole, pour exprimer leurs revendications. Iels ont fustigé la dégradation du service public, dénonçant les politiques actuelles qui sous-investissent dans les services publics et poursuivent des objectifs de rentabilisation à tout crin, qui pénalisent toujours plus les employéeXs. Les syndicats ont également déploré les conditions de travail et de départ à la retraite qui continuent de se précariser, ainsi que la stagnation des salaires dans la fonction publique depuis de nombreuses années, dans un contexte pourtant inflationniste. Iels ont aussi rappelé que, tandis que les personneXs pauvreXs et précaireXs voient leur condition de vie se dégrader toujours plus, notamment mais pas uniquement du fait de la crise sanitaire, 51 milliards d’euros sous formes de dividendes et de rachats d’actions ont été versés en 2021 aux actionnaireXs des entreprises du CAC40. Un montant indécent, auquel s’ajoute l’augmentation de 170 milliards d’euros de la fortune des milliardaireXs françaiseXs entre mars 2020 et mars 2021, en pleine pandémie, alors que 10% de la population française a désormais besoin de l’aide alimentaire pour pouvoir s’en sortir.



Le climat répressif en France en général, et plus particulièrement à Nantes, a également été pointé du doigt par tous les syndicats présents : la dissolution du média indépendant Nantes Révoltée, annoncée par le ministre de l’intérieur, de même que les menaces de devoir déclarer les manifestations à Nantes et de se voir imposer des parcours, ont été unanimement critiqués. Bien qu’iels aient nommé leurs désaccords avec Nantes Révoltée, les représentanteXs des syndicats ont fermement condamné cette atteinte à la liberté d’expression et à la liberté de la presse. Concernant les déclarations de manifestations, iels ont aussi rappelé le contexte particulier à Nantes et ont réaffirmé leur refus de se soumettre à cette injonction préfectorale. Historiquement, les parcours de manifestation ne sont plus déclarés depuis 1955, période de mobilisations et de grèves du secteur de la construction navale, pendant lesquelles Jean Rigollet, ouvrier maçon âgé de 24 ans, fut abattu par une balle policière lors d’une manifestation, cours des Cinquante Otages.



Parmi les manifestanteXs ce jeudi, beaucoup de personnelleXs de l’Éducation Nationale, pour lesquelleXs la rentrée de janvier 2022 a été plus que chaotique, dans un contexte déjà très tendu. Le syndicat SUD Éducation 44 avait d’ailleurs appelé à une assemblée générale à 11h aux auditoires de médecine à Nantes, afin de faire remonter les manques de moyens humains et matériels et de décider de la suite des actions. La petite cinquantaine des personneXs présenteXs au rendez-vous sont cependant repartieXs bredouilleXs : le nombre trop peu élevé de personneXs sur place a été décrété comme non représentatif pour mener à bien une AG.
Étaient également présenteXs dans le cortège interprofessionnel de nombreuseXs travailleureuseXs et étudianteXs des secteurs sociaux et médicosociaux, pour dénoncer les conditions de travail toujours plus dégradées par la volonté du gouvernement et de leurs employeurs de rendre rentable à tout prix le secteur du travail social. Un non-sens absolu contre lequel ces salariéeXs se sont d’ailleurs à nouveau mobiliséeXs le 1er février.
Complétant ce cortège, des acteuriceXs du secteur culturel, notamment celleux mobiliséeXs lors de l’occupation du théâtre Graslin, mais aussi des agenteXs de sécurité, des animateuriceXs périscolaires, agenteXs d’entretien, agenteXs de cantine… TouteXs revendiquant un droit à vivre dignement, dénonçant la détérioration de leurs conditions de travail et alertant sur l’urgence sociale actuelle.
On comptait aussi beaucoup d’étudianteXs du secondaire aussi bien que du supérieur. Notamment des lycéenneXs, dont certaineXs étaient présenteXs au petit matin devant le lycée des Bourdonnières pour un nouveau blocage. Dès 7h, une douzaine d’élèveXs parcouraient les rues aux alentours de l’établissement pour récupérer des poubelles, afin de bloquer les deux principales entrées. Malheureusement, la volonté forte de la direction et la proximité des examens blancs, générateurs de stress pour les élèveXs, ont mis à mal le blocus, ouvrant des brèches dans le dispositif. Si plusieurs dizaines d’élèveXs restèrent à l’entrée principale au début des cours, ce nombre s’est amenuisé petit à petit, pour finir par n’en compter que quelques dizaines. Pour autant, l’ambiance est restée bonne parmi les élèveXs mobiliséeXs, l’air frais du matin étant réchauffé par quelques poubelles brûlées. Contrairement à deux semaines auparavant, les forces de l’ordre se sont contentées de faire la circulation aux abords du lycée sans intervenir, mis à part pour contrôler l’identité d’une personneX partieX chercher d’autres poubelles après la levé du jour. Les pompièreXs sont intervenueXs bien après pour éteindre les derniers petits incendies, clôturant ainsi le blocus du jour.



Pour le parcours, rien d’inattendu. Le trajet de la manifestation était le même que celui du 5 octobre 2021 : de la préfecture à la Tour de Bretagne, en passant par la rue de Strasbourg, les voies de tram et le cours des 50 otages. À l’arrivée place de Bretagne, quelques dernières prises de parole ont été réalisées. Alors que la plupart des manifestanteXs et syndicats plient rapidement bagage, un cortège autonome se forme et reprend la marche. Les quelques 200 personneXs qui le constituent retournent ainsi en direction de la Préfecture et empruntent les cours saint-André et saint-Pierre. Le cortège arrive à l’arrêt de tramway duchesse Anne et ses manifestanteXs marchent sur les voies de tram, escortéeXs par les forces de l’ordre soudainement en surnombre. Il ne reste qu’une cinquantaine de personneXs à ce moment-là et pourtant on compte alors plusieurs voitures banalisées, motos et fourgons de police escortant les manifestanteXs. L’ambiance devient assez angoissante au sein du petit cortège, qui se retrouve rapidement encerclé. La tension monte très soudainement d’un cran, lorsque des policiers barrent la route au cortège au bas de la rue de Strasbourg et descendent de leur véhicule, se dirigeant vers une personneX pour l’interpeller. Dans le même temps, un autre manifestant est violemment projeté par un membre des forces de l’ordre et s’effondre au sol. Le blessé est mis en position latérale de sécurité tandis qu’un déploiement énorme de policiers se fait autour du drame, tendant à encercler les quelques manifestanteXs restant autour de la victime, comme sur le point de préparer une nasse. Une partie des forces de l’ordre se retire, tandis que l’accès rue des États reste impossible. Il faudra attendre l’arrivée des pompiers pour que la victime soit prise en charge, après avoir repris conscience mais semblant toujours très choquée.



Comme partout en France, des mouvements de grèves se poursuivent en Loire-Atlantique, essentiellement dans le secteur privé mais aussi dans certaines institutions publiques. Le représentant syndical de la CGT a ainsi rappelé que les employéeXs de la CPAM et de Pôle emploi, ainsi que des entreprises Tipiak, Naval Groupe, Air Liquide, EDF, Chantier Atlantique, Air Bus, Sogetrel et de la maternité de la clinique Brétéché étaient déjà en grève, parfois depuis de longues semaines. Partout, les demandes sont à la revalorisation salariale, au payement des heures supplémentaires, aux remplacements des départs et congés maladies, à la révision des contrats précaires, à l’embauche et aux augmentations de moyens pour pouvoir exercer dignement son métier, sans s’épuiser et se tuer à la tâche, tandis que les patronneXs continuent de réaliser de très larges marges de profit. S’ajoutent à ces revendications au long cours la mise à disposition de moyens pour se protéger du virus SARS-CoV-2 sur les lieux de travail, ce qui n’est toujours pas appliqué à ce jour pour l’ensemble des travailleureuseXs. Une situation intenable, alors que le nombre d’hospitalisation par millions de personneXs en France est le plus élevé du monde. Un contexte qui ne peut que nourrir les revendications de tous les secteurs professionnels mobilisés ce 27 janvier, alors même que certains syndicats ont déjà déposé un préavis de grève pour tout le mois de février.

Temps de travail :
- Prises de sons par Luth et Rustine, 6h
- Prises d’images par Léon et Suvann, 8h
- Rédaction de l’article par Kydam, Rustine et Suvann, 4h
- Montage du podcast par Luth, 2h
- Sélection des photos par Suvann, 1h ; traitement des photos par Léon et Suvann, 3h
- Relecture, correction par Luth, 2h30 ; réécoute Kydam et Rustine, 50mn