Articles, Récit

Un cabaret 100% drag pour lutter contre le VIH et le SIDA

Ces 2 et 3 décembre derniers s’est tenu à Nantes le Sidragtion. Deux soirées de performances et dj-set drag et queer, pour récolter des fonds pour la lutte contre le VIH et le SIDA.

Le premier décembre est la journée mondiale de lutte contre le VIH/SIDA. En France, comme dans beaucoup d’autres endroits du monde, se tiennent des événements pour récolter des fonds pour la recherche et l’aide aux patienteXs, pour sensibiliser le grand public aux conditions de vie des personneXs séropositiveXs afin de lutter contre leur stigmatisation, et pour partager des informations sur le virus et la séropositivité, afin de prévenir et de lutter contre la sérophobie.
A Nantes, le Sidragtion (mélange des mots Sidaction et drag) s’est déroulé pour la deuxième année consécutive à Pol’N. Les hôtes de ces deux soirées mémorables, Marilyn et Dex, un duo de drag incroyable, ont accompagné plusieurs performeureuseXs tout aussi incroyableXs.

Si, l’année passée, Dex et Marylin ont organisé l’ensemble du premier Sidragtion à la force de leurs bras (bien soutenus par des bénévoleXs, mais à deux quand même), iels ont agrandi l’équipe organisatrice pour 2022 : ce sont six personneXs qui ont participé à donner vie à cette nouvelle édition.
S’ajoutent à elleux l’ensemble de artisteXs performant bénévolement pour la cause, les bénévoleXs de Pol’N tenant le bar, les bénévoleXs son, lumière, tombola, entrée, et l’incroyable staff SuperSuper, ainsi que la brigade de drags de la House of Xtraveganza, qui ont régalé (gustativement et visuellement) les quelques 200 spectateurices venueXs assister chaque soir au spectacle.
Sans oublier le stand de réduction des risques tenu par AIDES (créée en 1984 et cofondatrice de Sidaction, Aides est une des plus importantes associations françaises de lutte contre le sida), de même qu’un infokiosque plein de zines, des tatoueureuseXs venueXs pour l’occasion le samedi après-midi et une tombola ÉNORME ! Si vous n’y étiez pas, pensez à noter cette date dans votre agenda, pour la (on espère) troisième édition en 2023 !

Avant même que les portes ne s’ouvrent à 19h, des spectateuriceXs s’amassent devant les portes de Pol’N, dans un froid mordant qu’on ne peut ignorer. Peut-être est-ce là des personneXs qui sont venueXs l’année passée et qui savent que cette soirée fait un tabac, et qu’il faut donc (une fois n’est pas coutume) arriver à l’heure ! Les 200 entrées partent toutes très rapidement, surtout le samedi soir qui affiche complet dès 20h16.
Et pour cause : ce sont des artisteXs talentueuseXs qui performent sur le podium de Pol’N durant ces deux soirées. Pour les citer touXtes : Salvador Dalby, Tetsuo Bordelo, Vajinette, La Baronne Vonnisha, L’Acabinet, La Plaisir/bistro queer, Kinky Marina, Xan Ass, Louis Ponsolle, La Gouvernante, Marilyn, Catherine Baise-en-ville et Julien Parpaing.

Si la scène est parfois déjantée, pailletée, décalée, dramatique (ou tout cela à la fois), le message de la soirée est militant.
Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), qui peut conduire au Syndrome d’Immonudéficience Acquise (SIDA), circule toujours. L’année 2020 (celle de la découverte du covid-19 et des mesures de distanciation sociale) a connu une baisse en termes de nouvelles contaminations. Cette baisse ne se confirme pas pour 2021 : selon les chiffres de Santé publique France, le nombre de découvertes de séropositivité est estimé à 5013 personneXs en France contre 4753 en 2020. Même si on peut considérer que ce chiffre est stable, il ne diminue pas. Et voici un autre chiffre, toujours de Santé publique France, qui devrait casser une autre idée reçue tenace : 51% des personneXs ayant découvert leur séropositivité en 2021 sont hétérosexuelleXs. On rapelle donc à touXtes les cis-hétéros, qui pensent que le VIH ne les concerne pas, que ce virus peut atteindre tout le monde. Oui, oui.

Si la recherche avance et que les personneXs qui ont été infectéeXs par le VIH (les personneXs dites séropositiveXs) peuvent vivre avec le virus et rester en bonne santé, il n’y a à ce jour pas de traitement pour en guérir. En revanche, on peut tout à fait être séropositifveX et ne pas transmettre le virus. C’est ce que le slogan I = I rappelle : Indétectable = Intransmissible (ou U = U en anglais).
Pour le formuler autrement, comme le rappelle Dex sur scène : il y a moins de risque à avoir un rapport non protégé avec quelqu’uneX qui connait son statut sérologique et qui est sous traitement, qu’avec une personneX qui ne le connaitrait pas et risquerait de transmettre le virus, sans le savoir.
À force de le répéter, peut-être que cela rentrera dans les mœurs : faire des dépistages réguliers sauve des vies ! Comme le rappellent les chiffres de Santé Publique France : « en 2021, 29% des infections à VIH ont été découvertes à un stade avancé de l’infection […] ce qui constitue une perte de chances en termes de prise en charge individuelle, et un risque de transmission du VIH aux partenaireXs avant la mise sous traitement antirétroviral ».
Il existe en France des Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) des infections (dues au VIH, mais pas que), listés ici.

Un autre message militant est porté sur scène par Kinky Marina, le samedi soir : la sérophobie est toujours bien ancrée dans la société.
Ses mots expliquent ô combien les personneXs séropositiveXs sont encore discriminéeXs, 40 ans après la découverte du VIH : soins refusés parce que porteureuseX du virus, personneXs séropositiveXs outéeXs à leur famille ou proches alors qu’iels sont hospitaliséeXs, rejet ou « fétichisation » sur les sites de rencontres, insultes (personneX n’est « sidaïque » ou « sidéenne », ce sont par contre des insultes sérophobes)…
Il faut écouter les témoignages des personneXs séropositiveXs pour comprendre qu’iels vivent la discrimination de plein fouet et que le VIH charrie toujours un nombre incalculable de clichés avec lui. Mais aussi pour comprendre qu’aujourd’hui, iels mènent une vie en bonne santé et épanouissante malgré le virus [plusieurs suggestions de podcasts ou témoignages sont à retrouver en fin d’article].

Vous l’aurez compris, le Sidragtion n’est pas une simple soirée.
C’est certes une manière de passer un moment inoubliable mais surtout de se retrouver, de s’organiser et de se soutenir.
Une manière de ne pas se reposer sur les droits acquis qui, surtout dans le climat actuel, pourraient nous être retirés.
Une manière de lutter pour rendre vraiment accessibles à touXtes les dépistages, les moyens de prévention et l’information sur le VIH/SIDA.
Une manière de financer la lutte, en soutenant la recherche scientifique qui travaille à découvrir un moyen de guérir du VIH et du SIDA, par le biais, notamment, de la création d’un vaccin.
Une manière aussi de se souvenir, ensemble, de touXtes celleuX qui ne sont plus là pour s’exprimer : les adelphes pousséeXs au suicide, assassinéeXs ou emportéeXs par la maladie.

C’est dans ce contexte que le Sidragtion nantais s’inscrit et apporte sa pierre à l’édifice, en reversant l’entièreté des fonds collectés à deux organisations : le Sidaction et le CEGIDD (centre de dépistage en santé sexuelle) de Nantes.
L’année passée, plus de 5000 euros ont été récoltés. Cette année, dans l’attente du chiffre officiel, il semblerait que le Sidragtion ait permis de collecter une somme équivalente, sinon supérieure. Et ce, sans la maraude, déambulation militante et drag dans les rues de Nantes, qui vise à récolter des fonds pour la lutte contre le VIH auprès d’un autre public : les nantaiseXs bien trop nantieXs !
Ce sera le prochain rendez-vous du Sidragtion, sans doute en mars 2023.  

Temps de travail :

  • Prises d’images par Liloo, San et Suvann, 10h, 3h et 10h
  • Rédaction de l’article par Rustine, 2h
  • Sélection des photos par Liloo, San et Suvann, 1h30
  • Relecture par Liloo, Luth, San et Suvann, correction par Luth, 30 minutes
  • Photos d’illustration, 2, 5, 13 à 15 et 19 par Liloo
  • Photos 3, 4, 7, 9 et 11 par San
  • Photos 1, 6, 8, 10, 12 et 16 à 18 par Suvann

Pour écouter des témoignages de personneXs séropositiveXs :
Vivre avec le VIH, c’est d’abord vivre, deux témoignages d’Africa Radio et Santé Publique France ;
Positive Life, deux épisodes en français de personneXs vivant en Suisse avec le VIH ;
« Quand les patients deviennent experts », Le feuilleton des luttes, saison 1 épisode 5 ;
« Être trans et séropositive », XY média ;
Tous les podcasts du Comité des familles, association créée pour informer et donner la parole aux personneXs séropositiveXs issues de l’immigration et de la banlieue parisienne ;
« Fred, de la sérophobie à la sérofierté », du podcast Garçons.
« Révolution SIDA », un documentaire sortit le 30 novembre 2022 dans les salles de cinéma.

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