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Hommage à la journaliste Shireen Abu Akleh et commémoration de la Nakba : un week-end aux couleurs de la Palestine

Deux rassemblements distincts mais complémentaires se sont tenus dans les rues nantaises, samedi 14 et dimanche 15 mai 2022, dans un même objectif : dénoncer les actes criminels commis par les forces d’occupation israéliennes et exiger la justice pour le peuple palestinien.

Deux rassemblements pour la Palestine ont ponctué le weekend du 14 et 15 mai 2022 à Nantes. Le premier, en hommage à la journaliste palestino-américaine Shireen Abu Akleh, tuée le 11 mai 2022 par les forces d’occupation israéliennes, alors qu’elle couvrait l’attaque menées par ces dernières sur le camp de Jénine, en Cisjordanie occupée. Le second, commémoratif de la Nakba (« la catastrophe » en arabe), événement majeur de l’histoire palestinienne, lors duquel des milliers de PalestinienneXs ont été expulséeXs de leurs terres et de leur foyer par l’état sioniste, entre le 30 mars et le 15 mai 1948.

Quelques dizaines de personneXs se sont donc rassembléeXs rue de la Barillerie samedi 14 mai à 15h, sous un soleil de plein été. Des familles palestiniennes, des militanteXs chevronnéeXs ou non, des passanteXs interpelléeXs par le dispositif mis en place : six personneXs baillonnéeXs et brandissant les lettres du mot « Presse », pour dénoncer l’assassinat de Shireen Abu Akleh par Israël. Les membreXs de l’Association France Palestine Solidarité 44, à l’initiative de ce rassemblement, ont brièvement pris la parole pour rappeler le contexte dans lequel ce drame s’est produit.

Alors que la journaliste Shireen Abu Akleh, correspondante de longue date pour Al Jazeera Arabic en Palestine occupée, était en reportage pour couvrir les raids de l’armée israélienne dans le camp de réfugiéeXs de Jénine, la femme de 51 ans a été tuée d’une balle dans la tête. Un de ses confrère d’Al Jazeera également sur place, Ali Al-Samoudi, a été quant à lui blessé par balle dans le dos et a dû être hospitalisé (son état s’est heureusement amélioré depuis). Des journalisteXs présenteXs au moment des faits, notamment Ali Al-Samoudi, ont affirmé qu’il n’y avait pas de confrontation entre l’armée israélienne et la résistance armée palestinienne, au moment où la journaliste a été tuée. Leurs témoignages écartent de ce fait l’information transmise par l’état sioniste, selon laquelle la journaliste avait été tuée par une balle palestinienne pendant ces prétendus affrontements. Les journalisteXs présenteXs ont en revanche affirmé avoir été délibérément cibléeXs par les balles israéliennes.

L’annonce du décès de la journaliste Shireen Abu Akleh a été un choc pour touteXs les PalestinienneXs qui suivaient depuis près de 25 ans son travail d’information, par lequel elle mettait en lumière les crimes de l’État israélien. Le drame s’est poursuivi quand, le 13 mai 2022, lors des funérailles de la journaliste à Jérusalem, la police israélienne a chargé sans raison le cortège de civileXs portant son cercueil, allant presque jusqu’à le renverser. L’un des porteurs, Omar Abu Khdeir, après avoir témoigné des violences commises lors des funérailles de Shireen Abu Akleh, a été arrêté quelques jours plus tard et accusé « d’appartenir à une organisation terroriste ». Selon son avocat, l’interrogatoire qu’il a subi portait pourtant bien sur les faits du 13 mai 2022, et non sur une potentielle appartenance à un groupe terroriste. La volonté de museler toute forme de dénonciation des attaques menées par les forces d’occupation israéliennes se traduit donc, une fois de plus, par l’enfermement systématique de celleuX qui osent le faire, y compris en utilisant des motifs fallacieux.

C’est aussi le cas du plus vieux prisonnier politique de France, le militant communiste libanais Georges Ibrahim Abdallah, qui a milité contre l’état israélien au sein des Fractions armées révolutionnaires libanaises. Cet engagement lui a valu d’être condamné en France en 1986, puis en 1987, trahi à ce moment-là par son propre avocat. Georges Ibrahim Abdallah a depuis longtemps purgé ses peines : il est en effet libérable depuis 1999 mais il s’est vu refuser toutes ses demandes de libération conditionnelle, du fait de l’intervention de plusieurs personnalités politiques, aussi bien françaises qu’américaines. Une situation d’enfermement que connaît également, dans une moindre mesure, l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri, à nouveau incarcéré par Israël sous le régime de la détention administrative. Là encore, aucun motif digne de ce nom ne vient légitimer son placement en détention, qui n’est que l’expression de l’acharnement qu’il subit pour ses engagements en faveur de la défense du peuple palestinien.

Les Nations Unies, l’Union Européenne, de même que des organisations telles que Reporters sans frontières, ont réclamé qu’une enquête internationale et indépendante soit mise en place, pour faire la lumière sur le meurtre de Shireen Abu Akleh. Dans une lettre adressée au président de la République, la plateforme des ONG françaises pour la Palestine a adressé la même demande au chef de l’état français. Le président de la plateforme, François Leroux, n’a pas manqué de préciser dans ce courrier que les enquêtes menées par l’armée israélienne « n’aboutissent pratiquement jamais à des condamnations ». Une affirmation confirmée par l’armée israélienne elle-même, par le biais d’un communiqué indiquant qu’elle ne mènerait aucune investigation en son sein concernant l’assassinat de la journaliste.

Depuis 2000, Reporters sans frontière rapporte qu’au moins 30 journalisteXs palestinienneXs ont été tuéeXs en territoire occupé, tandis que, depuis 2018, 140 ont été victimeXs de violences de la part des forces d’occupation israéliennes, alors qu’iels couvraient les « Marches du retour ». Par ailleurs, la mort de Shireen Abu Akleh arrive un an après les bombardements à Gaza, dont celui de la tour Jala, où se trouvaient notamment les bureaux de la chaine d’information Al Jazeera et de l’agence de presse américaine Associated Press. Bombardements qui avaient fait l’objet, là encore, de mobilisations internationales, y compris à Nantes, pour dénoncer les crimes de guerre commis par l’état sioniste.

Dimanche 15 mai, pendant un rassemblement encore plus intimiste que celui de la veille, initié par le collectif Jeunes 4 Palestine, une fresque commémorative de la Nakba a été réalisée près du skatepark de la station Vincent Gâche. Une action symbolique, pour visibiliser les crimes commis et dénoncer l’impunité dont bénéficie l’occupation israélienne depuis 1948.

Pour rappel, la situation de colonisation vécue par le peuple palestinien ne date pas de 1948. En effet, avant cela, la Palestine était déjà occupée par l’empire ottoman. Suite aux accords Sykes-Picot, secrètement négociés entre la France et le Royaume-Uni dès 1916, les Britanniques ont ensuite pris le contrôle de la Palestine, profitant de la fragilisation de l’empire ottoman. Quelques mois plus tard, le Royaume-Uni, par l’intermédiaire de son secrétaire d’État aux affaires étrangères, Arthur Balfour, a favorisé la création d’un « foyer national juif » en Palestine, via la publication de la déclaration Balfour. Cette étape est depuis considérée comme fondatrice dans le processus de création d’Israël et est d’ailleurs célébrée comme tel par l’état sioniste.

La colonisation en Palestine n’a d’ailleurs jamais cessé depuis cette date, l’état israélien ne se donnant même pas la peine de respecter les frontières établies par le « Plan de partage » de 1947. Comme en témoignent les attaques menées au sein de la mosquée Al-Aqsa de Jérusalem par les forces d’occupation israéliennes, pendant le dernier Ramadan, ainsi que les destructions des maisons palestiniennes ordonnées par l’état sioniste dans cette même ville, Israël n’a cessé de vouloir effacer toute trace du peuple palestinien dans la ville sainte. Un nettoyage ethnique s’inscrivant pleinement dans le régime d’apartheid mis en place par l’état sioniste et dénoncé comme tel par le peuple palestinien et ses soutiens à l’échelle internationale. C’est notamment ce qu’a fait l’ONG Amnesty International, dans un rapport publié début février 2022, qui détaille l’ampleur des exactions commises par le pouvoir occupant, les qualifiant de crimes contre l’humanité. Encore plus récemment, la mise en œuvre de cette volonté d’éradiquer le peuple palestinien de ses terres s’est traduite par un arrêté de la Haute Cour d’Israël, prononçant l’expulsion de plus de 1000 PalestinienneXs habitant dans la zone de Masafer Yatta, en Cisjordanie occupée. Une décision arrivant après 22 années de bataille juridique, qui témoigne de l’acharnement de l’état sioniste et de sa volonté absolue de faire disparaître le peuple palestinien de son territoire.

Ce dimanche 15 mai 2022, un drapeau palestinien flottait donc aux abords du skatepark de Vincent Gâche. L’attroupement des quelqueXs personneXs présenteXs, ainsi que la réalisation de la fresque, attiraient l’œil des passanteXs. CertaineXs s’arrêtaient et regardaient l’évolution du travail, d’autreXs se rapprochaient et posaient pour la photo devant la fresque. Peinte sur fond noir, on peut y lire les mots « Palestine 1948 » et « Nakba » en lettres majuscules, sous-titrés du slogan antifasciste « Ni oubli, ni pardon ». Aux alentours de la fresque, des photos ont été collées par les organisateuriceXs : un portrait de Shireen Abu Akleh contenant le message « Le journalisme n’est pas un crime », et une affiche portant l’inscription « Nakba Palestine 1948 ». Des messages que l’on ne cessera de répéter, tant que le peuple palestinien devra lutter pour la liberté et la justice.

Cet article est le second, après l’interview de la journaliste et réalisatrice Anne Paq, d’une série consacrée à la Palestine et la lutte menée par le peuple palestinien et sa diaspora. Le prochain reviendra sur l’événement organisé mardi 24 mai par l’Association France Palestine Solidarité 44, pendant lequel 3 jeuneXs PalestinienneXs, engagéeXs dans la lutte pour la libération de la Palestine, ont pu témoigner de leurs expériences.

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